1. Rachid Benzine, Voyage au bout de l’enfance.
Ce court roman raconte l’histoire d’un jeune garçon, Fabien, qui doit quitter du jour au lendemain ses copains de l’école Jacques-Prévert de Sarcelles, ses rêves de football et de poésie pour suivre ses parents en Syrie. Une descente au cœur du fanatisme racontée à hauteur d’un enfant gardant son cahier de poésie comme refuge.
2. Olivier Bleys, Semper Augustus.
En 1630, un marchand de tissu hollandais sans le sou décide de tenter sa chance au Nouveau Monde. Il laisse derrière lui ses enfants dans un pays en proie à une fièvre sans précédent : la tulipomania. Cette folie spéculatoire méconnue autour des bulbes de tulipe a eu des conséquences réelles sur la société de l'époque et sert de toile de fond à un roman historique et familial étonnant.
3. Hugo Boris, Débarquer.
Andrew, un vétéran du débarquement du 6 juin 1944, trouve enfin la force de revenir sur les lieux du drame. Il a rendez-vous avec Magali, une guide des plages qui a l’occasion unique de confronter ses connaissances à l’expérience et l’émotion d’un survivant du drame. Mais même si la rencontre a lieu, le rendez-vous avec l’Histoire est manqué, chacun devant surmonter des problèmes familiaux.
4. Philip K. Dick, Ubik.
Il est difficile de résumer l’un des plus célèbres romans de Philip K. Dick. Dans le monde d’Ubik, cette entité omniprésente qui se manifeste en permanence sous forme de publicités, tout objet, votre porte d’entrée ou votre grille-pain, ne fonctionne que si vous avez votre abonnement à jour. Ajoutez à cela des morts maintenus en animation suspendue avec qui il est possible de communiquer ainsi qu’un organisme de protection contre les intrusions mentales. Un cocktail paranoïaque, nimbé de mysticisme comme seul était capable d’en créer le maître américain de la SF.
5. Eric Dussert, Une forêt cachée.
Eric Dussert est pris depuis longtemps déjà d’une toquade signalant tout bon bibliophile : la passion pour les auteurs oubliés. Cet ouvrage est la somme des chroniques publiées dans la revue littéraire Le Matricule des anges où il a rendu justice à 156 écrivains bien injustement abandonnés dans l’antichambre de la postérité.
6. Eric Dussert, Cachées par la forêt.
Il n’est bien sûr pas le seul à se poser la question en consultant la liste des auteurs des siècles précédents dont l’œuvre est parvenu jusqu’à nous : mais où sont les femmes ? Difficile de croire que la littérature ne fut qu’affaire d’hommes, même si elle en fût la chasse-gardée. Eric Dussert se propose d’être, après Une forêt cachée, le portraitiste de celles qui durent se résoudre à rester dans l’ombre.
7. Bob Dylan, Philosophie de la chanson moderne.
Bob Dylan n’est pas tout à fait un homme comme les autres. Quand le musicien, récompensé à la surprise générale en 2016 du prix Nobel de littérature, publie un livre, le résultat est un ouvrage littéraire non identifié qui vogue quelque part entre le beau livre et l’essai. Même les promesses de son titre ne sont pas tenues. Nulle question ici de philosophie, mais de 66 textes libres pour autant de chansons dans lesquels l’enfant de Duluth parle de musique bien sûr, mais aussi de pas mal d’autres sujets. Une fresque rock agrémentée d’une riche iconographie qui a le mérite d’exhumer bon nombre d’artistes aujourd’hui oubliés.
8. Annie Ernaux, Les années.
La toute récente prix Nobel de littérature dresse dans ce livre un portrait de la France de l’immédiat après-guerre jusqu’à nos jours. A partir de photographies familiales, elle dénude ses souvenirs et son écriture de tout affect, son texte se voulant plus sociologique qu’autobiographique. Annie Ernaux a pris le parti de s’exposer, d’être au centre de son œuvre qui paradoxalement se révèle universel.
9. Jonathan Franzen, Crossroads.
Le pasteur Russ Hildebrand vit paisiblement avec son épouse et ses enfants dans la banlieue de Chicago. Progressiste, apprécié dans sa communauté et fier de la réussite de ses enfants, il va pourtant voir en quelques jours à peine ce tableau idyllique voler en éclat. L’homme d’église se trouve plus que jamais à la croisée des chemins dans ces années soixante-dix, minutieusement restituées par Jonathan Franzen, qui ont profondément bouleversé la société.
10. Beate Teresa Hanika, Le goût sucré des souvenirs.
Elisabetta Shapiro est une dame âgée de Vienne qui a vu, jeune fille, toute sa famille raflée par les Nazis. Une danseuse, Pola, chamboule ses habitudes en s’installant chez elle. Elisabetta va devoir apprendre à canaliser ses émotions et surtout les exprimer à la jeune femme par un singulier moyen, ses vieux pots de confiture d’abricot restés intacts, tous liés à son histoire intime. Dans ce très beau roman, la confiture a parfois le goût amer de la colère ou bien celui plus doux de l’apaisement.
11. Lola Lafon, Quand tu écouteras cette chanson.
Le 18 août 2021, Lola Lafon a passé une nuit au Musée Anne Frank à la demande de son éditeur. Ce livre, paru dans la collection Ma nuit au musée, en est l’aboutissement. Plutôt que de revenir uniquement sur son expérience, elle retrace avec humilité la vie de la famille Frank ainsi que l’aventure éditoriale rocambolesque du Journal d’Anne, qui doit se lire évidemment comme un témoignage, mais aussi comme une œuvre littéraire en soi, que la jeune fille, d’une grande précocité, a travaillé à dessein. Lola Lafon, à l’heure où l’autofiction prédomine, montre qu’intimité et pudeur peuvent encore se conjuguer.
12. Marie-Hélène Lafon, Histoire du fils.
Le fils de ce court roman familial, c’est André. André ne connait pas son père et est élevé au milieu de ses cousines chez la sœur de sa mère. Entre Lot, Cantal et Paris, c’est presque par hasard que va surgir la trace de ce père inconnu et naître une quête des origines. L’art de Marie-Hélène Lafon est de choisir et d’articuler des scènes de vie parfois anodines pour construire un roman familial sur plusieurs décennies en très peu de pages. Ainsi chaque passage est fort, avec une émotion qui ne risque pas de se diluer à force de vouloir trop en raconter.
13. Margot & Jean Le Moal, Bretzel et beurre salé : Une enquête à Locmaria.
Catherine Wald, Strasbourgeoise fraîchement arrivée en Bretagne, tente le pari d’ouvrir un restaurant de spécialités alsaciennes dans la petite commune de Locmaria. Plutôt bien accueillie par les locaux, les ennuis commencent quand on l’accuse d’avoir empoisonné ses voisins avec une choucroute. Un polar débordant de clins d’œil à la double culture des auteurs, plus léger qu’un plat de choucroute ou qu’une part de kouign amann.
Certaines dents ne manqueront pas de grincer à l’évocation de cette bande-dessinée qui se propose de retracer la vie, de Rabelais à Marguerite Duras, des principaux écrivains de notre patrimoine littéraire. On aurait pourtant tort de se priver de cet ouvrage ; ses pages pleines d’humour ont le mérite de rendre attachantes les plumes vedettes des manuels scolaires, sans pour autant les épargner. Surtout, il donne furieusement envie de se (re)plonger dans leurs livres.
Au décès de sa grand-mère Angela, Sabrina, une jeune restauratrice du musée des beaux-arts de Bruxelles découvre en vidant la maison un magnifique buste en argile signé par une sculptrice de la Renaissance, Costanza Marsiato. Cette trouvaille la pousse à se rendre à Florence sur les traces de l’artiste et de son modèle, la somptueuse Simonetta Vespucci, que ses contemporains jugeaient comme la plus belle femme de son temps, mais aussi de sa grand-mère, Italienne pauvre ayant émigré en Belgique après la Seconde Guerre Mondiale. Un beau roman sur quatre destins de femmes dont les voix se font écho à travers les siècles.
Twyla et Roberta se sont connues dans un foyer où pendant quatre mois elles ont été inséparables, avant que la vie se charge de les séparer. Au fil des années, elles vont se recroiser, et être amenées à évoquer un épisode de leur enfance dont elles n’ont pas du tout le même souvenir. Dans cette nouvelle qu’on pourrait qualifier d’expérimental, Toni Morrison, l’une des plus grandes plumes américaines, interroge avec subtilité les aprioris raciaux du lecteur.
Jean Rolin est l’anti-Mike Horn et c’est tant mieux. Ses défis liés à la géographie paraissent bien modestes mais pas aisés pour autant. Aucune gloriole n’est à retirer de ses périples ; au diable la performance physique, les sens sont en éveil surtout pour décrire ce qu’il voit. Après avoir péniblement suivi les bords de Seine à pied dans Le Pont de Bezons, Jean Rolin a voulu éprouver cette ligne imaginaire et floue qui démarque en région parisienne la ville de la campagne. Vastes champs céréaliers au bord des voies rapides, friches industrielles, camps roms, l’auteur raconte dans son style proche de celui d’Echenoz ses pérégrinations sur une frontière en perpétuel mouvement.
C’est une question qui taraude depuis maintenant plus d’un siècle les historiens de l’art : Henri Rousseau était-il un véritable artiste, conscient de l’avant-gardisme de sa peinture, ou un peintre du dimanche foncièrement naïf ? Déjà en janvier 1909, il dut faire face à des accusations de faux et usage de faux lors d’un procès retentissant. Cette bande-dessinée qui revient sur l’épisode judiciaire et le parcours du peintre tant décrié est un bel hommage à l’esthétique et à l’imaginaire de celui qu’on surnomme « Le Douanier Rousseau ».
Adam est un jeune Kabyle qui doit quitter ses montagnes natales, sa fiancée et leurs rêves d’avenir pour combattre les forces nazies en France, un pays où il n’a jamais mis les pieds. Fait prisonnier à l’issue de la « Drôle de guerre », il est interné dans un camp de travail réservé aux soldats coloniaux où l’entraide et le marché noir vont lui permettre de survivre. Un épisode peu connu de l’Histoire de France mis en lumière dans ce roman plein d’humanité.
L’Homme qui marche est un manga contemplatif réalisé par l’un des auteurs préférés du public francophone. On y suit la déambulation d’un citadin dans sa ville, qui s’émerveille des situations les plus simples, le vol d’un pigeon ou le saut dans une flaque d’eau, à mille lieues de la frénésie qui agite habituellement les métropoles. Un ouvrage qui pourrait bien faire changer le regard des plus réticents à l’égard de la bande dessinée japonaise.
En 2006, Simone Veil avait accepté de se confier sur sa vie, de dérouler son histoire familiale et notamment les moments terribles de l’Occupation, sa déportation à Auschwitz, son retour et l’impossibilité de parler de ce qui s’y était passé. Un témoignage inédit, émouvant et assurément douloureux, mais jugé nécessaire par la femme d’Etat, pour que la Shoah ne soit jamais oubliée.